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riprendiamo la relazione pronunciata dall’arcivescovo di Lione,
card. Philippe Barbarin, come prolusione dell’inaugurazione
dell’anno accademico presso l’Istituto Giovanni Paolo II per gli
studi sul matrimonio e la famiglia (presso la Pontificia università
del Laterano) lo scorso 28 ottobre.
L’expression « Evangile du mariage »
est-elle devenue habituelle à nos oreilles ? D’ordinaire, c’est
le nom de son auteur qui vient après le mot Evangile ; on parle de
l’Evangile « selon » saint Matthieu, Marc, Luc ou Jean.
Mais
déjà, dans le Nouveau Testament, saint Paul utilise des expressions
comme « l’Evangile de la grâce » lorsqu’il veut résumer
l’ensemble de son enseignement devant les Anciens d’Ephèse (Ac
20, 24), ou « l’Evangile de la gloire » que le Prince de ce monde
veut nous empêcher de voir resplendir, lorsqu’il médite sur son
ministère pour les Corinthiens (2 Co 4,4), ou encore « l’Evangile
du salut, de votre salut », explique-t-il au Ephésiens (1,12). Ces
formules ramassées ont pour but d’attirer l’attention d’une
communauté sur un point central de la prédication de l’Apôtre.
Elles permettent de récapituler l’ensemble de la Révélation à
partir d’un aspect essentiel, pour aider chacun à vivre avec un
plus grand enthousiasme sa mission de témoin du Christ.
Saint Jean-Paul II a souvent utilisé
ce procédé. Quand, dans l’Encyclique Laborem exercens (1981), il
parle de « l’Evangile du travail », il montre l’extraordinaire
dignité de l’activité humaine qui nous rapproche du Créateur,
car nous avons été créés à son image et à sa ressemblance. On a
aussi entendu Jean-Paul II, notamment dans sa Lettre aux familles,
en 1994, parler de « l’Evangile de la famille », pour nous
inviter à regarder l’humanité entière comme une famille. Dans
votre Institut, vous êtes particulièrement attentifs à
l’encyclique Evangelium vitae (1995). En la lisant, nous comprenons
qu’effectivement, le don de la vie est le plus beau cadeau que
nous ayons reçu, et nous savons que l’Evangile de la vie
correspond à notre attente la plus profonde. Lorsque, illuminés par
l’événement de Pâques, nous proclamons à la fin du Credo : «
J’attends la résurrection de la chair et la vie du monde à venir
», nous affirmons notre espérance que « l’Evangile de la vie »
est l’accom-plissement de la promesse d’un Père qui, toujours,
prendra soin de notre vie, jusqu’à la renouveler et la transformer
par-delà notre mort.
C’est dans cette ligne que je
voudrais aujourd’hui écouter et présenter le sens de l’expression
« l’Evangile du mariage ». Mais auparavant, je voudrais commencer
par regarder avec vous les événements que nous avons vécus en
France, l’an dernier, à l’occasion du vote de la loi sur le
mariage de deux personnes de même sexe. Les débats sur la famille
ont enflammé le monde de la communication. Un grand nombre
d’interventions médiatiques ont retenu l’attention et une série
de manifestations de masse ont eu lieu. Elles ont rassemblé des
foules considérables que certains ont voulu minimiser ou ignorer
mais qui ont étonné, bien au-delà de nos frontières. Je me
souviens encore des questions que plusieurs cardinaux de divers
continents sont venus me poser à ce sujet, lors du conclave de mars
2013.
Ces rassemblements se nourrissaient
d’une réflexion conjointe de philosophes et de juristes, d’hommes
politiques et d’anthropologues, de représentants des différentes
religions, de psychologues et d’éducateurs. Le mouvement a été
porté par de nombreux catholiques très engagés, mais il a permis
une rencontre en profondeur avec d’autres croyants, en particulier
avec ceux de la communauté musulmane. Dans ce contexte à la fois
pacifique, car les manifestations avaient un aspect bon enfant, et
tendu, car l’opposition était forte et l’enjeu essentiel, quel
témoignage les chrétiens ont-ils donné ? Ont-ils réussi à
transmettre l’Evangile, la bonne nouvelle du mariage ?
I – Donner notre témoignage de
manière évangélique.
Il me semble opportun de faire une
sorte d’examen de conscience, en regardant l’ensemble de ces
événements à la lumière des Béatitudes (Mt 5, 3-10). Les
avons-nous vécus comme des pauvres, sans chercher d’abord le
résultat ou l’efficacité ? Comme des doux, évitant toute parole
violente ou méprisante à l’égard de ceux auxquels nous étions
amenés à nous opposer ? Comme des affligés, intérieurement
désolés par cette initiative de destructu-ration sociale et ce
mensonge d’Etat qui déclare qu’un enfant a deux mamans ou deux
papas ? Comme des affamés et des assoiffés de justice, c’est-à-dire
à la fois fidèles à la justice de Dieu et soucieux du bien de
tous. Quel souci avons-nous eu de l’attention et de l’amour que
l’on doit aux personnes homosexuelles ? « Affamés et assoiffés
», cela engage aussi à combattre le découragement qui rôde et
risque de tout pourrir… La Béatitude de la justice appelle la
suivante, qui évoque la miséricorde.
Quelle fut notre attitude le jour du
premier mariage entre deux personnes du même sexe en France, le
mercredi 29 mai, à Montpellier ? Les vrais miséricordieux ont su
prendre le temps de la prière pour ces deux hommes, Vincent et
Bruno. Il nous fallait voir aussi comment faire passer un message qui
soit toujours une parole d’amour et de miséricorde, comme la
phrase du Pape François qui nous a tellement touchés : « Si une
personne est ‘’gay’’ et cherche le Seigneur avec bonne
volonté, qui suis-je pour la juger ? [1] » En somme, est-ce que ces
manifestations étaient pour nous comme un acte de miséricorde, une
action et une vraie présence du Messie Consolateur ?
Dans un autre cadre, j’ai essayé de
faire ce travail minutieusement, en développant cette interrogation
à partir de chacune des Béatitudes. On me permettra simplement de
rappeler que pour certains, ce fut un rude combat qui les a conduits
à la dernière : « Bienheureux les persécutés pour la justice ».
Espérons que le Seigneur leur a donné d’entrevoir quelque chose
de son Royaume durant ces épreuves !
II – Un point de départ solide.
Maintenant, je voudrais toucher le fond
du problème. Il s’agit de donner écho et de rendre audible, dans
le contexte social et médiatique dans lequel nous vivons
aujourd’hui, un message sur le mariage. Livrer une parole de
vérité, comme un fondement anthropologique majeur qui demeurera
toujours, malgré les méandres de l’histoire, les modes ou les
initiatives des gou-vernements.
Dans les premières pages de la Bible,
on lit le récit de la création de l’homme et de la femme qui
forment ensemble « l’image et la ressemblance de Dieu ». Il est
demandé à l’homme de quitter son père et sa mère pour
s’attacher à sa femme, de sorte que tous deux ne forment plus
qu’une seule chair (cf. Gn 1, 28 et 2, 24). Ces mots ne sont ni une
loi ni un règlement, mais une parole de vérité et de vie. Je les
entends comme le conseil d’un Père qui ne cherche que le bien de
ses enfants et veut les aider à accomplir le meilleur de ce qui les
habite. Pour les croyants, il est clair que la valeur et la force de
ce message ne pourront jamais être discréditées ni même
effleurées par les courants de pensée à la mode ou les aléas
d’une majorité parlementaire. Il fallait donc trouver le moyen de
faire entendre ce message fondamental sur la famille.
Le concept chrétien de la famille est
à la fois simple dans son origine et extraordinairement ample et
analogique. Dans le développement d’une personnalité, d’ailleurs,
on voit souvent que plus quelqu’un est profondément attaché à
ses racines, plus il est capable d’une large ouverture.
Puis-je formuler quelques principes
simples ?
Il n’y a pas de famille sans enfants,
ni d’enfants sans famille. C’est là, dans ce milieu, dans ce
contexte qu’ils ont grandi et découvert la vie.
Il n’y a pas d’enfants sans parents
: la filiation conduit à une profonde gratitude, mais elle comporte
aussi ses souffrances, ses ruptures… Paternité, filiation, liens
de fraternité… c’est le même sang qui coule aux artères, même
si chaque famille a ses blessures, ses maladies…
Il n’y a pas non plus de parents sans
alliance. L’expérience nous enseigne que c’est le point le plus
fragile de la vie familiale, car il résulte d’un choix personnel
qui a l’amour pour origine. Or nos choix peuvent être remis en
cause, et souvent par nous-mêmes : « Quelle erreur j’ai commise,
ce jour-là ! » Et si l’amour se limite au sentiment amoureux, il
est soumis, comme l’on sait, à de dangereuses fluctuations : «
Mais je ne l’aime plus ! Aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous
supporter. » La loi en porte la marque : il est difficile de nier la
filiation (ou la paternité et la maternité), mais on court toujours
vers une législation qui facilite de plus en plus le divorce.
Comment faire pour fortifier ce qui est fragile ? C’est justement
cela qui mériterait la plus grande attention !
III – Mais comment réguler le désir
?
En fait, dans le mariage, trois
réalités se mélangent : le désir sensible et sexuel (des époux),
la douce joie de l’amitié partagée (un long compagnonnage) et le
grand cadeau de la fécondité (la paternité et la maternité).
L’histoire et l’expérience nous montrent qu’elles ne font pas
toujours bon ménage : plusieurs rois de France ont eu une épouse
légitime et une ou plusieurs maîtresses successives, d’autres ont
été homosexuels…
Voilà une question de toujours qui
surgit au grand jour, à notre époque. Qui pourrait avoir le droit
de juger ou de s’opposer au désir qui m’habite ? Il est
changeant et chacun sait que la sexualité comporte une large part
d’irrationnel. S’il est refoulé, il peut constituer un danger
d’explosion interne ou de dérive. S’il est seul maître à bord,
il risque de conduire à des comportements aberrants ou violents ;
les faits de l’actualité - y compris au sein de l’Eglise - nous
le rappellent trop souvent ! Comment aider chacun à rester lui-même,
à vivre et exprimer librement son désir, tout en demeurant en
harmonie avec la raison, la volonté et le bien commun ? Dans
l’éducation que j’ai reçue, il me semble qu’on a su faire
droit, avec délicatesse, à la vérité d’une personne,
l’encourager à se développer librement, tout en la mettant en
garde contre elle-même. Les marqueurs de l’éducation, les
habitudes sociales et spirituelles ont pour but de mettre notre
liberté fondamentale à l’abri des fluctuations de la sensibilité
et de ses dérives ou dangers éventuels.
Dans une tribune que j’ai trouvée
très éclairante, la philosophe Chantal Delsol explique qu’il y a,
dans notre mentalité sociale, une tyrannie du désir devant laquelle
tout doit céder. Elle peut se résumer en deux exclamations :
- « Mais on souffre ! » Il
faut alors, quoi qu’il arrive, supprimer la cause de cette
souffrance.
- « Mais on s’aime ! » De
quel droit allez-vous vous opposer à cet amour ?
Oui, ce sont des faits ; ils
s’imposent dans la vie de celui qui les exprime. Mais pourquoi
faudrait-il toujours y céder, satisfaire les désirs d’aujourd’hui
et ceux qui surviendront demain ? Pourquoi devrions-nous céder
devant ces exigences de modifier la loi pour permettre à ces désirs
de se réaliser ? L’argument souvent utilisé laisse entendre que
la réalisation de ces désirs ne contraint nullement ceux qui ne les
partagent pas à continuer de vivre comme ils le veulent. Mais c’est
de courte vue, car il s’agit d’une modification en profondeur du
contexte social, comme l’avait affirmé la Garde des Sceaux, Madame
Taubira, à l’approche du vote de la nouvelle loi sur le mariage :
Il s’agit d’un vrai changement de civilisation.
V - L’Evangile du mariage, cœur de
la Révélation chrétienne.
Puisque nous réfléchissons à la «
bonne nouvelle » du mariage, il me semble essentiel d’affirmer que
nous ne devons pas rester prisonniers de la logique médiatique du «
buzz ». Le mariage n’est pas une « opportunité » de
communication, mais bien le cœur de la Révélation biblique.
Je poserai donc ici un principe simple
qui est, pour moi, un élément essentiel de toute la catéchèse
biblique et sacramentelle : dans la Bible, tout est nuptial.
Il est clair que le mot Testament
traduit bien mal l’hébreu berit ou le grec diathèkè. La Bible
est d’abord une histoire d’alliance.Dans le livre d’Osée, Dieu
parle à son peuple comme à une fiancée qu’il conduit au désert
pour lui dire des mots de tendresse.
Alliance, c’est le mot que l’on
entend au centre de la célébration eucharistique : « La coupe de
mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternelle. »
Et quand Jésus vient sceller cette
Alliance, il se présente comme l’Epoux qui s’offre à celle
qu’Il aime. « Ceci est mon corps livré pour vous », quoi de plus
nuptial que cette parole qui est le cœur de la célébration
eucharistique ? En se livrant corps et âme à celle qu’Il aime,
l’Epoux souhaite que l’Eglise, son Epouse, soit belle, «
resplendissante, sans tache, ni ride, ni aucun défaut ; il la
voulait sainte et irréprochable. C’est comme cela que le mari doit
aimer sa femme : comme son propre corps ». C’est alors que saint
Paul lance cette exclamation, à propos du mariage : « Ce mystère
est grand ! » (Ep 5, 27-28 et 32).
L’aventure dans laquelle se lancent
les époux est une image de l’histoire de l’humanité entière,
inscrite dans leur chair et leur histoire personnelle. Les
difficultés et les trahisons ne manquent pas, mais la fidélité de
Dieu donne à notre fragilité humaine une espérance invincible.
C’est la raison pour laquelle le sacrement du mariage est présenté
d’abord comme une action de Dieu, qui scelle notre amour toujours
fragile dans la grande épopée de l’Alliance entre Dieu et
l’humanité, dont le sommet plonge dans le mystère pascal de
Jésus.
Les trois axiomes que j’ai utilisés
plus haut - pas de famille sans enfants, pas d’enfants sans parents
et pas de parents sans alliance - offrent un beau résumé de notre
foi. Ils découlent de la première ligne du Credo : nous croyons en
un Dieu qui est Père, créateur et qui garde toujours la création
entière dans sa main (c’est le sens exact de Pantocrator,
imparfaitement traduit par « tout-puissant »). Ses enfants ne
risquent donc pas de se trouver abandonnés, mais surtout, ils sont
invités à entrer dans le déploiement de cette famille puisqu’ils
ont été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Ils
sont appelés à engager toute leur vie dans le mystère de
l’Alliance et s’ils viennent à connaître la joie de la
paternité et de la maternité, ils auront en mémoire
l’avertissement de Jésus : « Ne donnez à personne sur terre le
nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux
cieux » (Mt 23, 9). La source est unique, et tous peuvent avoir la
joie d’y participer : « Je fléchis le genou, écrit saint Paul,
devant le Père de qui toute paternité (ou famille, car le mot grec
patria se traduit des deux façons) tire son nom » (Ep 3, 14-15).
« Evangile de la famille », voilà
donc résumé en deux mots tout le projet de Dieu pour l’humanité
: sceller avec elle une alliance, son alliance d’amour, et établir
entre nous des rapports fraternels qui fassent de l’humanité
entière « la famille de Dieu » par la circulation de sa charité.
Dès lors, s’abolissent les frontières de races et de générations
: on peut tout partager avec un frère ou une sœur d’un autre
continent ou d’une autre culture ; on peut demander de l’aide aux
Apôtres ou à saint Augustin, comme on se tourne vers des ainés
dans la famille. Nous pouvons même attendre de notre sœur Thérèse
de l’Enfant Jésus qu’elle agisse aujourd’hui en notre faveur,
puisqu’elle a promis de « passer son ciel à faire du bien sur la
terre ». Or, le meilleur chemin pour entrer dans l’immense famille
humaine, c’est celui de nos familles qui doivent être
attentivement accompagnées, aidées et encouragées dans leurs
difficultés. C’est une si grande mission d’introduire chaque
nouvel être humain dans le mystère de l’Alliance. Les parents,
homme et femme, y sont l’image et la ressemblance de Dieu Trinité.
Parfois, bien que toute comparaison ait ses limites, j’ose penser
que si l’on trouve dans un enfant le regard de son père ou le
sourire de sa mère, on pourrait dire de l’Esprit-Saint qu’il est
le sourire et le regard de Dieu…
V - Epangile et Evangile :
l’accomplissement d’une promesse.
Assurément, pour chacun d’entre
nous, le plus cher désir est que l’aventure de notre amour
réussisse, car, plus encore que la santé ou les succès
professionnels, c’est la clé de notre bonheur. Et précisément
l’attention à ce bonheur a conduit Dieu à s’engager dans notre
histoire. Il nous a d’abord donné ces paroles de vie que l’on
nomme sans doute à tort « les commandements ». Puis, à travers
les prophètes, il a continué d’envoyer sa Parole sur terre «
rapide, son verbe la parcourt » (Ps 147, 15). Mais comme tout cela
n’a pas suffi, « finalement, il envoya son fils » (Mt 21, 37).
Y a-t-il coïncidence, ou au moins
correspondance, entre notre attente la plus profonde et la promesse
et l’engagement de Dieu dans l’histoire des hommes ? Pourquoi
remarque-t-on si rarement la proximité des mots promesse (en grec
épangile) et Evangile ? Ils sont souvent proches l’un de l’autre
dans le Nouveau Testament, et pourtant les traductions ne permettent
jamais de percevoir leur racine commune. Dieu connaît nos attentes,
et il nous promet d’y répondre. C’est Jésus qui est venu
réaliser cette promesse dans sa propre chair : voilà l’Evangile !
N’est-il pas aisé de montrer que «
l’Evangile du mariage » est la clé de compréhension du dessein
divin ? Tout nous parle de mariage, depuis le moment de
l’Incarnation. Oui, Dieu viendra sur terre, mais pas « hors du
mariage » : «Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ : Marie,
la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph » (Mt
1, 18), jusqu’à l’épilogue de l’Apocalypse où l’on entend
l’Esprit et l’épouse dire : « Viens ! » et l’époux répondre
: « Oui, je viens sans tarder » (Ap 22,17 et 20).
Le premier miracle ? C’est celui des
Noces de Cana et l’on nous explique bien qu’il symbolise celles
de la croix et le festin des noces éternelles dont elle nous ouvre
les portes.
La Cène ? Le Sang du Christ est versé
pour qui et pour quoi ? « La coupe de mon sang, le sang de
l’Alliance, nouvelle et éternelle, versé pour vous et pour la
multitude, en rémission des péchés. »
Quant à Jean-Baptiste, le plus grand
des hommes qui ait existé (cf Mat 11, 11), pourquoi meurt-il ? Pour
avoir dit à Hérode : « Tu n’as pas le droit de prendre la femme
de ton frère » (Marc 6,18).
Saint Paul poursuit cette ligne : «
Que le mariage soit honoré de tous, que l’union conjugale ne soit
pas profanée… » (He 13,4). Or voilà, on ne profane que les
sanctuaires.
Souvent, dans l’Eglise, nous
raisonnons en termes de baptisés, confirmés, consacrés, plus
rarement en termes d’hommes et de femmes mariés. Quand sont-ils
appelés, dans la communauté, en tant que tels ? Au cours de la
Messe chrismale, dans mon diocèse, je m’adresse aux prêtres après
l’homélie comme le demande le Rituel ; j’appelle aussi les
diacres et les laïcs en mission ecclésiale à la fin de la Messe …
Le Christ Prêtre, on connait. Le Christ serviteur, et ses diacres,
aussi, la variété des ministères est reconnue et honorée, mais le
mystère de l’Alliance ? Ils ont leur place marquée dans nos
messes chrismales. Pourquoi ne pas appeler aussi les religieuses et
les vierges consacrées, dont la vie nous parle du Christ-époux ?
Pourquoi ne pas instaurer une « fête de la vie mariée » ?
On a longtemps compris et présenté
dans notre Eglise les vocations à la vie consacrée comme la voie
royale et le mariage comme la vocation commune, pour ne pas dire
banale, quelconque…
On devrait expliquer que toutes les
vocations se comprennent à partir de l’Alliance et qu’elles se
vivent toutes dans la logique de l’Alliance, les unes pour le
vivre, les autres pour en témoigner. A leur manière, les vocations
religieuses et le célibat consacré témoignent aussi de la
grandeur du mariage. Un peu comme celui qui fait vœu d’obéissance,
et qui, dans les faits, magnifie la liberté. Lorsque je suis avec
des enfants ou des jeunes et que je leur demande de retrouver les
sept sacrements, je me réjouis de constater qu’après le baptême
(la porte d’entrée) et l’Eucharistie (le sacrement central),
c’est toujours le mariage qui vient en premier. Car c’est le
paradigme, le modèle à partir duquel, pour chaque disciple du
Christ, l’histoire de son alliance va prendre forme.
Dans l’Evangile, quand les disciples
disent, après avoir écouté Jésus répondre aux questions qui lui
sont posées au sujet du mariage, « que si telle est la situation…,
il n’y a pas intérêt à se marier », le Seigneur reconnaît bien
qu’en effet « ce n’est pas tout le monde qui peut comprendre »
(Mt 19, 10-11). Et il ajoute que tout le monde n’a pas cette
vocation, un peu comme l’on dit aujourd’hui du sacerdoce : «
C’est un appel, ce n’est pas fait pour tout le monde. »
Pouvons-nous en conclure que ce qui n’est pas « pour tous », en
l’occurrence, selon Jésus, c’est le mariage ?
Il montre que le chemin du mariage est
ardu… ! Comment ne pas Lui donner raison quand on constate le
nombre d’échecs dans cette voie ? Pas étonnant non plus de voir
que sur le mariage se concentrent tant de menaces, de parodies. Il
serait intéressant de reprendre les quatre piliers du mariage pour
voir comment chacun est sérieusement attaqué par le dogme universel
du choix personnel : « C’est mon choix » ou « Tu fais comme tu
le sens ».
Face à l’indissolubilité : le
divorce, et la procédure toujours plus simple… Face à la fidélité
: l’adultère qui n’entre plus dans la catégorie du « divorce
pour faute » et que l’on ne craint pas de promouvoir… Face à la
fécondité : la contraception et l’avortement… Face à la
liberté qui s’engage : la liberté qui s’essaye, le concubinage
…
Jean-Baptiste baptisait dans l‘eau,
il annonçait Celui qui baptiserait dans l’Esprit. Mais nous savons
que c’est dans leur sang, que Jean Baptiste et Jésus ont, tous
deux, baptisé l’Alliance.
Conclusion
A chaque génération, le même défi
se présente : comment aimer le monde sans nous laisser prendre par
sa logique ? Comment l’écouter et le comprendre en profondeur,
pour vraiment le servir ? Des phrases essentielles de l’Evangile se
heurtent dans notre esprit : « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a
donné son Fils unique » (Jn 3, 16) ; « Ils sont dans le monde,
mais ils ne sont pas du monde. Garde-les du Mauvais » (Jn 17,11-14)
; « Que ton règne vienne… sur la terre comme au ciel » et « Mon
royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde…
» (Jn 18,36).
Aujourd’hui, nous sommes ses enfants,
donnés, livrés à ce monde pour y faire venir son Règne de justice
et de paix. Aimer le monde tel qu’il est, sans se laisser prendre
ou fasciner par ses tromperies, et vivre au milieu de tous dans la
charité et le respect, voilà ce qui nous est demandé. Du Seigneur,
nous avons reçu la consigne de dire un oui qui soit oui et un non
qui soit non (cf. Mt 5, 37), sans nous soucier de ce qui va servir ou
nuire à notre image.
Récemment, en lisant le passage des
Actes des Apôtres où Pierre et Jean racontent ce qu’ils viennent
de subir de la part des chefs des prêtres et des anciens (4,23-31),
je pensais que c’est vraiment le lot et le défi de toutes les
générations chrétiennes. Alors, l’assemblée, « d’un seul
cœur », se met à prier : « Maître, c’est toi qui as fait le
ciel, la terre et la mer. C’est toi qui as mis dans la bouche de
David, ton serviteur, les paroles que voici : Pourquoi ces nations en
tumulte, ces peuples aux projets stupides… ? »
C’est d’abord sur la prière qu’il
faut fonder notre action, car c’est elle qui maintient le mystère
de l’Alliance en nous comme une source. J’en ai été le témoin
l’an dernier, à Lyon. Une dame qui attendait son quatrième enfant
est venue me voir à la cathédrale, au moment des débats sur le
mariage, et elle m’a dit : « Je ne vois pas ce que je pourrais
faire, mais j’ai envie de lancer un groupe de prière des mères. »
Je n’ai pas hésité une seconde à l’encourager… et le groupe
s’est réuni, chaque mardi, à la Basilique de Fourvière.
Sur le plan doctrinal, le pape François
nous exhorte dans Evangelii gaudium à ne jamais supposer que les
gens connaissent les fondements de l’enseignement de l’Eglise,
car c’est rarement le cas. Toujours, comme lors d’une catéchèse
qu’il a donnée sur le mariage à l’audience du 2 avril, cette
année, il prend le temps de repartir du cœur de la foi.
Dans l’homélie des canonisations du
27 avril, il a évoqué deux points (Monsieur le Recteur ne a parlé
tout à l'heure) qui viennent au cœur de notre sujet et par lesquels
je vais terminer. Il a dit que saint Jean XXIII avait été docile à
l’Esprit-Saint, en convoquant le Concile Vatican II, de manière si
rapide et inattendue. Et il a révélé que saint Jean-Paul II avait
exprimé le désir que son nom reste comme celui du « Pape de la
famille [2] ». Lors du Consistoire de février 2014, François nous
a raconté l’histoire du choix du thème des synodes de cette année
et de l’an prochain : « J’y ai vu la main de Dieu », a-t-il
affirmé. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait confié ce
travail à l’intercession des deux nouveaux saints, pour qu’il
soit mené dans la docilité à l’Esprit-Saint. Unissons-nous à sa
prière, car l’enjeu est de taille !
Permettez-moi de reprendre, comme un
envoi, les deux mots de Jésus que je regarde comme une dixième
Béatitude : « Vous êtes le sel de la terre », « Vous êtes la
lumière du monde » (Mt 5, 13-14). Souvent, ontransforme ces
affirmations en impératifs : « Soyez enfin du sel, une lumière qui
ose se montrer et briller au dehors ! Si les chrétiens étaient
vraiment…. Pourquoi ont-ils perdu leur saveur, leur audace ? »
Non, Jésus parle au présent de
l’indicatif : « Vous êtes le sel de la terre ; vous êtes la
lumière du monde». Malgré nos médiocrités, voilà ce que nous
sommes, en vérité ; c’est la grâce de notre baptême. De là,
découle une grande joie : Quand les chrétiens agissent comme de
vrais disciples de Jésus, comme les témoins de celui « qui a rendu
son beau témoignage devant Pilate » (1 Tm 6, 13), ils sont, sans
en avoir conscience, un cadeau de Dieu pour le monde, sel qui donne
du goût à la vie, lumière qui révèle comme la création est
belle !
C’est peut-être la plus grande joie
des époux chrétiens, lorsqu’ils savent que leur mariage est la
grâce de leur vie, donc la mission qui leur incombe. Le défi est
notable.
Merci beaucoup.
NOTES
[1] A un journaliste, le 29 juillet
2013, dans l’avion qui le ramenait de Rio à Rome, après les JMJ.
[2] De fait, l’une des premières
décisions qu’il a prise fut de choisir le thème du premier Synode
de son pontificat (en octobre 1980) sur « les tâches de la famille
chrétienne ». C’est ce qui nous a valu l’année suivante, peu
avant Noël 1981, l’exhortation apostolique Familiaris
consortio.
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